Le langage par la photo est une technique de plus en plus utilisée en formation afin de permettre à chaque stagiaire de s’exprimer sur leurs représentations d’un concept, d’un nouveau métier ou autre. Aidova s’attache d’ailleurs à la mettre en place lors de ses actions de formation depuis la rentrée 2015.

Mais en quoi consiste cette méthode du langage photo et comment l’utiliser ? C’est ce que nous allons voir dans cet article, complété par un témoignage de Lise VORGY, consultante et formatrice dans le secteur médico-social et éducatif, chez Hendiadys.

Le photolangage, méthode de communication en formation

Le langage photo, méthode de communication en formation © jarmoluk – Pixabay.com

Une méthode de communication, en 3 étapes

Le langage photo est issu d’une méthode créée en 1965 par des psychologues et des psychosociologues lyonnais. Elle consiste à faire émerger des pensées, ressentis ou représentations de la part d’individus à partir de photos choisies parmi un panel proposé. Grâce au succès de cette technique, elle fut donc par la suite appliquée à différents domaines, en particulier la formation pour adulte. Elle représente ainsi aujourd’hui une très bonne manière de démarrer ou terminer une réflexion sur un sujet.

L’application de la méthode du langage photographique se déroule en 3 étapes :

  1. Définition d’un thème à traiter et l’objectif pédagogique à atteindre
  2. Inciter les participants à livrer leurs représentations ou visions sur ce thème à partir d’une image sélectionnée parmi un groupe d’images proposés
  3. Faire évoluer les représentations émergées en vue de favoriser l’apprentissage

Le langage photo : comment ça marche ?

Lise VORGY : « Le dispositif que j’utilise s’inspire de Photolangage®, une méthode conçue dans les années soixante par Alain Baptiste et Claire Bélisle. Il permet d’accéder aux représentations des membres d’un groupe, et de les rendre explicites. Pour cela, on utilise un support constitué d’images, le plus souvent une série de photographies présentant des sujets variés. Au moment de choisir « son » image, chaque personne fait le lien entre ce qu’elle voit et la manière dont elle perçoit l’objet de la réflexion. Ce moment d’élaboration intérieure est très important, et doit se faire en silence de manière à ce que chacun puisse choisir tranquillement l’image qui lui convient. Chaque participant va ensuite pouvoir dire au groupe en quoi cette image lui parle de la thématique. Cette prise de parole est essentielle pour plusieurs raisons.

En premier lieu, elle permet à la fois au sujet d’exprimer un regard toujours singulier sur la thématique, et au groupe d’entendre qu’il existe des regards différents sur un même objet. La parole de chaque participant fait apparaître au sein du groupe des images très variées d’un même phénomène. Ce florilège de représentations donne la possibilité à chacun de mesurer combien la réalité peut être lue de manière plurielle, et de relativiser son propre point de vue.

D’autre part, lorsque le sujet prend la parole pour dire ce que lui évoque une image, il formule et partage avec le groupe des éléments qui restent habituellement dans l’ombre de son intériorité : les images mentales associées à l’objet du travail, les valeurs qu’il attribue à cet objet, ce qui le mobilise autour de cette thématique. L’utilisation de l’image participe d’une prise de conscience. Dans le cadre de la formation continue, cette méthode permet aux professionnels de renouer avec le sens profond de leur activité.

Enfin, pour l’intervenant, qu’il soit formateur, consultant ou chercheur, c’est aussi l’occasion de mieux cerner les représentations qui circulent dans un groupe, et les enjeux du travail à mener. Durant le temps de « socialisation », c’est à dire quand chacun prend la parole, on repère parfois des points de convergence, des regards semblables portés par tout un groupe sur la thématique choisie. Ce regard singulier fait alors l’objet d’une explicitation pour favoriser la prise de conscience, par chacun, de la force des représentations collectives, et interroger leurs implications dans la pratique. Le dispositif apporte ici des éléments de compréhension importants, qui vont permettre à l’intervenant de travailler avec le groupe d’une manière ajustée, en prenant en compte sa singularité. »

Le support n’est donc pas l’essentiel ?

LV : « L’image joue un rôle central en ce qu’elle sert de support à la pensée et à la parole. Elle permet d’emprunter un autre chemin que le langage habituel, et souvent d’exprimer ce qui ne se dit pas avec des modalités plus classiques. Pour que le travail soit riche, il faut de « belles » images, dotées d’une force évocatrice. Mais pour ma part, j’accorde beaucoup d’importance à ce qui va être dit par la personne qui a choisi l’image : ce qui m’importe, c’est ce qui se passe au moment où une personne choisit une image pour s’exprimer sur la thématique définie au départ. Ce sont ensuite les ressorts de ce choix tels qu’ils vont être formulés par la personne qui vont amener une prise de conscience ou un changement de regard. Mais attention ! Les représentations de chacun sont une « matière » précieuse : cet outil ne peut donc être utilisé n’importe comment.

Utiliser cette méthode, c’est faire le choix de donner toute sa place à la parole singulière, et de respecter le rythme propre du sujet, qui devient acteur de sa formation. Il ne s’agit surtout pas d’interpréter ce qui est dit ou de déduire des « profils » à partir de ce que disent les personnes.« 

Quelles sont les conditions et les qualités nécessaires pour pouvoir utiliser cet outil ?

LV : « Je crois qu’il faut d’abord posséder une sérieuse capacité d’écoute, pour pouvoir donner la parole, entendre ce qui est dit et reformuler au plus juste. C’est ce qu’on appelle l’écoute active, et qui est une compétence essentielle des psychosociologues.

Il importe également d’avoir un arrière-plan théorique solide, qui permet de ne pas tout mélanger : la parole des individus est un objet complexe, dans lequel il faut savoir repérer ce qui relève de représentations qui vont faire sens pour le groupe, et ce qui appartient à un sujet singulier. Il faut être capable, sur le moment, de distinguer, dans le flot de ce qui est dit, les différents registres qui s’expriment, pour pouvoir saisir ce qui va être utile au groupe, tout en reconnaissant la parole de chacun.

C’est une modalité qui ne laisse pas indifférent, parce qu’elle fait appel au ressenti et à l’évocation d’un univers intérieur, d’un imaginaire qui peut s’exprimer parce qu’il est « accroché » sur une image. L’intervenant qui l’utilise doit aussi être en mesure de faire face à l’émergence d’émotions liées à de représentations parfois sombres et douloureuses, ou simplement inattendues.

En conclusion, c’est un outil puissant, qui demande de la prudence : le dispositif ne donne pas à lui seul des résultats. Cette méthode, parce qu’elle va chercher du côté du ressenti et de l’intériorité, nécessite de la délicatesse, une bonne maîtrise de l’animation de groupe, une grande capacité d’écoute et un solide bagage théorique. Lorsqu’il est bien mené, il permet d’amener un groupe à construire un regard partagé sur un objet, sans renoncer à la richesse et à la complexité des représentations singulières. De ce point de vue, c’est un formidable outil de changement.« 

Merci encore à Lise VORGY, consultante chez Hendiadys, pour son aimable participation à cette interview.

Propos recueillis le 07/09/2015 et le 04/11/2015 par Murielle CHARANSOL, consultante en informatique chez Aidova.

Livre conseillé relatif à la méthode employée :  Photolangage® : Communiquer en groupe avec des photographies : présentation de la méthode, par Claire Bélisle, Lyon: éditions Chronique Sociale, 2014.

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